Avec la pandémie de coronavirus, plus de la moitié de l’humanité est actuellement incitée ou contrainte à rester confinée chez elle en raison d’une crise sanitaire à laquelle nous étions mal préparés. Cela incite à la réflexion. De quelle manière les monnaies locales représentent-elles une réponse à la crise ?
Une monnaie locale permet de rendre un territoire plus résilient. Jour après jour, année après année, l’usage d’une monnaie ne circulant que sur un petit territoire tisse des liens économiques et sociaux de plus en plus forts entre les personnes qui l’utilisent : particuliers, paysans, commerces, entreprises, collectivités locales… On échange en circuit fermé grâce à cette monnaie, cela permet de nous relier, de nous renforcer mutuellement. Et on garde bien sûr l’euro pour échanger avec les autres territoires.
Très concrètement, quand vous changez des euros en monnaie locale, il y a deux questions à se poser : que va devenir cette monnaie locale que j’ai entre les mains ou sur mon compte, et que deviennent les euros que j’ai donnés en échange ?
Avec votre monnaie locale, vous allez régler des commerçants, des paysans, des associations, des entreprises… qui vont ensuite avoir le choix entre reconvertir cette monnaie locale en euros, en s’acquittant d’une commission, ou réutiliser cette monnaie locale auprès d’autres professionnels du réseau, forcément locaux. 56% des plus de 1 000 professionnels du réseau Eusko ont ainsi noué une relation avec au moins un nouveau fournisseur local pour réutiliser leurs eusko.
C’est comme ça qu’une monnaie locale relocalise les échanges, ce qui rend un territoire économiquement plus résilient, et entraîne habitants, entreprises, associations, collectivités dans une dynamique de transition écologique, en relocalisant eux-mêmes leurs achats, ce qui réduit les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports.
Et les euros que vous avez échangés contre cette monnaie locale, que deviennent-ils ? Les associations gérant les monnaies locales les mettent en réserve dans une banque éthique, généralement La Nef ou le Crédit coopératif. Comme la plupart d’entre nous avons notre compte bancaire dans une banque dont l’activité est nocive pour l’Humain et l’Environnement (voir ici l’étude des Amis de la Terre à ce sujet), quand nous changeons par exemple 200 euros par mois en monnaie locale, nous enlevons sans effort 200€ de pouvoir de nuisance à ces banques, et alimentons de 200€ une banque éthique.
Ainsi, à l’Eusko, avec 1,6 million d’eusko en circulation, nous avons déjà enlevé 1,6 million d’euros aux banques conventionnelles, et nous continuons au rythme d’environ 40 000 € par mois. Ces euros sont mis en réserve au Crédit coopératif et à La Nef, ce qui renforce ces banques éthiques.
Les monnaies locales sont donc de puissants outils pour la résilience du territoire et la décarbonisation de l’économie. Mais elles ne fonctionnent que si l’on s’en sert, et plus on s’en sert, plus elles produisent d’effets.
Aujourd’hui, changer 100 ou 200€ par mois en monnaie locale peut paraître un geste à faible impact, mais faisons le parallèle avec le tri sélectif : le fait que vous fassiez le tri ne règle pas le problème des déchets, mais comme nous sommes 60% de la population à le faire, l’impact est énorme.
Il en va de même pour les monnaies locales : si vous avez compris qu’elles font partie des remèdes aux crises qui nous menacent, vous devez les utiliser. Sans attendre que d’autres le fassent à votre place.